
La chambre bleue
Disposée sur le couvercle de la Tabatière, la vue de la chambre bleue de l’hôtel parisien du ministre est à l’évidence mise à l’honneur. Au splendide parquet de marqueterie font écho le plafond relevé de stucs dorés, les murs lambrissés de blanc et or et revêtus d’un meuble d’hiver en damas de soie bleue, tout comme le lit à la polonaise enrichi de galons d’or. De part et d’autre de la cheminée, dont le trumeau s’orne du buste du roi Louis XV, un cabinet et un secrétaire sont disposés en symétrie.
C’est l’une des scènes les plus animées, avec à droite le duc de Choiseul accueillant peut-être sa sœur, la duchesse de Gramont, à laquelle un valet en livrée présente un siège. A gauche, un groupe de personnages, certains en costume militaire, et l’abbé Jean-Jacques Barthélemy, garde du Cabinet des médailles de la Bibliothèque du roi. Deux chiens jouent au premier plan. L’accrochage de tableaux contemporains de l’école française et de quelques fleurons des écoles flamandes et hollandaises illustre un aspect central des collections de Choiseul développé dans les années 1760.




La galerie des peintures
Cette pièce est tout entière vouée à l’exposition de la collection de peintures du ministre. Ici sont visibles vingt-quatre tableaux principalement flamands et hollandais du XVIIe siècle, œuvres pour lesquelles Choiseul avait montré une nette prédilection dès ses débuts de collectionneur : la plupart d’entre eux sont reconnaissables. En effet, préalablement à la vente de sa collection de tableaux, en 1772, Choiseul confia au graveur parisien Pierre François Basan la publication d’un recueil reproduisant une centaine de ses plus belles peintures. Beaucoup sont ainsi identifiables sur les faces de la tabatière.
Une assemblée exclusivement masculine visite la galerie. La passion des personnages se mesure à leurs attitudes : certains s’appuient sur les accotoirs d’un fauteuil pour mieux s’approcher des toiles. Un petit groupe est rassemblé autour du duc de Choiseul qui discute, une loupe à la main. On peut imaginer que la conversation porte sur la qualité des détails des peintures. Choiseul est vêtu de son uniforme de colonel général des Suisses et Grisons et la plupart de ses interlocuteurs sont représentés avec leurs costumes militaires.





La chambre blanche
Dans la chambre au décor blanc et or, le magnifique lit à baldaquin et une suite de sièges sont garnis d’un meuble à fond blanc. Les deux doubles portes ornées de dessus-de-porte peints dans la manière du peintre de batailles Charles Parrocel ménagent une porte dérobée menant vraisemblablement à un cabinet de garde-robe. Choiseul achève de s’habiller, debout face à la table de toilette couverte d’un linge et garnie des accessoires ad hoc. Sa robe de chambre est posée sur le lit. Un valet de chambre ajuste sa perruque tandis qu’un autre s’apprête à lui passer le collier au ruban bleu de l’ordre du Saint-Esprit. Au premier plan, face à la cheminée, un bureau plat où vient s’encastrer un écran pare-feu. Des documents y sont disposés : à toute heure, le ministre est au travail.

Le cabinet octogone
Le cabinet octogone a été richement aménagé par Choiseul en 1763. Il est doté d’une lanterne dispensant un éclairage zénithal, un dispositif d’une grande modernité. Un bureau plat attribué à Simon Oeben, très proche de celui représenté sur la miniature, fut acquis par le duc d’Aumale en 1882. Il est aujourd’hui conservé, sans son cartonnier, au château de Chantilly.
L’accrochage, déjà dense, est amplifié par l’effet des hauts miroirs cintrés. Sont disposés certains des fleurons de la collection mêlant les grands noms de la tradition française du paysage à ceux de leurs homologues flamands et hollandais ainsi que de remarquables scènes de genre hollandaises. Le ministre est représenté seul, faisant les cent pas, concentré sur la lecture de documents qu’il vient sans doute de rédiger : une feuille est tombée à terre sous le bureau et des pièces de correspondance ont été jetées au feu (on distingue leurs cachets de cire).





L'appartement ministériel
Sur les deux plus longues faces de la Tabatière, Choiseul n’est plus dans son hôtel parisien. Nous le retrouvons ici dans son appartement ministériel, à Versailles. Au mur, le portrait « officiel » de Louis XV par Van Loo est accompagné par ceux de Madame de Pompadour, la bienfaitrice de Choiseul et de la duchesse de Gramont, la sœur très aimée. Une vue imaginaire de Rome par Hubert Robert évoque la première ambassade de Choiseul.
Le ministre est à son bureau, face à deux secrétaires qui écrivent sous sa dictée. Deux autres personnages classent des documents, l’un sur le canapé, l’autre dans le cartonnier du magnifique bureau plat de Choiseul dont la miniature offre un témoignage fondamental. Choiseul avait acquis ce chef-d’œuvre de l’ébénisterie rocaille attribué à Antoine-Robert Gaudreau, orné de bronzes extraordinaires de Philippe Caffieri après la mort du financier Grimod Du Fort. Ayant acquis par son histoire prestigieuse le statut d’icône du bureau ministériel, ce meuble a par la suite appartenu à Talleyrand, puis au chancelier d’Autriche Metternich.







La Grande Galerie du Louvre
Sur la face postérieure de la Tabatière, nous retrouvons le duc de Choiseul au centre d’un groupe d’ingénieurs militaires, devant les plans-reliefs disposés dans la Grande Galerie du Louvre. Initiées sous Louis XIV, ces représentations des fortifications et des ports du royaume ne sont plus autant des outils de défense à l’époque de Choiseul, mais peuvent encore se révéler utiles. Le ministre est représenté en pleine séance de travail : l’un des ingénieurs déroule devant lui le plan d’une fortification. D’autres visiteurs se promènent parmi ces glorieuses représentations des conquêtes passées. Il convient peut-être de voir dans cette scène une visite aussi mondaine que militaire.
Cette vue de la tabatière est l’unique témoignage du décor de la Grande Galerie dans son état originel, avec les décors donnés par Poussin au début des années 1640 mais restés inachevés. Les plans-reliefs quitteront la Galerie en 1777, prélude à l’aménagement du futur musée.